I. Définition
II. Épidémiologie
III. Physiopathologie et mécanismes
IV. Classification et terminologie
V. Diagnostic
VI. Évaluation et prévention du risque thromboembolique
VII. Traitement
VIII. Différents tableaux cliniques

Situations de départ


18 Découverte d'anomalies à l'auscultation cardiaque.
21 Asthénie.
24 Bouffées de chaleur.
27 Chute de la personne âgée.
50 Malaise/perte de connaissance.
54 Œdème localisé ou diffus.
161 Douleur thoracique.
162 Dyspnée.
165 Palpitations.
166 Tachycardie.
178 Demande/prescription raisonnée et choix d'un examen diagnostique.
185 Réalisation et interprétation d'un électrocardiogramme (ECG).
201 Dyskaliémie.
230 Rédaction de la demande d'un examen d'imagerie.
231 Demande d'un examen d'imagerie.
248 Prescription et suivi d'un traitement par anticoagulant et/ou antiagrégant.
264 Adaptation des traitements sur un terrain particulier : insuffisant rénal, insuffisant hépatique, grossesse, personne âgée, etc.).
319 Prévention du surpoids et de l'obésité.
320 Prévention des maladies cardiovasculaires.
335 Évaluation de l'aptitude au sport et rédaction d'un certificat de non-contre-indication.
342 Rédaction d'une ordonnance/d'un courrier médical.
348 Suspicion d'un effet indésirable des médicaments ou d'un soin.
352 Expliquer un traitement au patient (adulte/enfant/adolescent).
354 Évaluation de l'observance thérapeutique.

Hiérarchisation des connaissances


Rang Rubrique Intitulé Descriptif
lettre a Définition Connaître la définition de la fibrillation atriale (FA)
lettre b  Physiopathologie Connaître la physiopathologie de la FA Mécanismes et évolution
lettre b  Épidémiologie Connaître l'épidémiologie de la FA Prévalence, lien avec HTA et insuffisance cardiaque
lettre a  Diagnostic positif Connaître les symptômes usuels
lettre a Diagnostic positif Identifier la FA sur l'électrocardiogramme
lettre b Diagnostic positif Connaître la présentation clinique Classification en « P »
lettre b Étiologies Connaître les formes cliniques usuelles FA sur cœur normal, FA de l'insuffisance cardiaque, FA et AVC
lettre b Étiologies Connaître les formes cliniques non usuelles FA valvulaire, maladie de l'oreillette
lettre b Étiologies Connaître les comorbidités de la FA HTA, SAOS, éthylisme, obésité
lettre a Étiologies Connaître les facteurs déclenchants FA de cause aiguë et facteurs déclenchants
lettre a Examens complémentaires Connaître le bilan de 1re intention ECG, échocardiographie, examens biologiques
lettre a Identifier une urgence Savoir évaluer le risque thromboembolique et hémorragique Scores adaptés
lettre a Prise en charge Connaître les principes de correction des facteurs de risque Prise en charge des comorbidités
lettre b Prise en charge Connaître les principes de prise en charge de la FA Contrôle de la fréquence, contrôle du rythme, anticoagulants
lettre b Identifier une urgence Identifier la mauvaise tolérance et connaître les principes de prise en charge Indications de cardioversion

 

 I Définition


•    lettre a La fibrillation atriale (selon la nomenclature internationale) ou « auriculaire » ou FA est une tachycardie irrégulière (arythmie) d'origine supraventriculaire due à une activité électrique rapide (400–600/min) et anarchique des oreillettes ayant pour conséquences des contractions désynchronisées des deux massifs atriaux avec perte de leur efficacité hémodynamique.
•    La réponse ventriculaire à cette arythmie est sous la dépendance du nœud AV dont la capacité de filtration varie selon l'état du système nerveux autonome et de l'imprégnation en médicaments bradycardisants.
•    On retient le diagnostic d'accès de FA lorsque la durée de l'épisode est > 30 secondes.

II Épidémiologie


•    lettre b La FA est le plus fréquent des troubles du rythme : elle concerne entre 500 000 et 750 000 patients en France.
•    Sa prévalence croît avec l'âge : rare avant 50 ans, elle touche 10 % de la population après 80 ans.
•    Il existe un lien fort avec l'obésité avec 30 % d'augmentation de la fréquence par 5 kg/m2 d'indice de masse corporelle supplémentaire.
•    La FA est responsable de 20–25 % de tous les AVC, par embolie cérébrale.
•    Elle peut faire suite ou s'associer à un flutter atrial typique ou atypique.

III Physiopathologie et mécanismes


A Aspects électriques
Le nœud atrioventriculaire (AV) filtre à environ 130–180 bpm une activité atriale anarchique et rapide supérieure à 400 bpm, on note donc une tachycardie irrégulière au repos qui s'accélère à l'effort.

B Conséquences hémodynamiques
Ce sont :
•    une perte de la systole atriale ;
•    une perte de l'adaptation physiologique de la fréquence cardiaque à l'effort ;
•    un risque d'insuffisance cardiaque ;
•    un risque thromboembolique par stase au niveau de l'auricule gauche (appendice atrial) et embolie dans la circulation systémique.

C Évolution
Elle se fait vers :
•    la fibrose des oreillettes et, plus tardivement, du tissu de conduction (nœud sinusal et nœud AV) ;
•    la dilatation atriale (remodelage atrial) qui, à son tour, pérennise la fibrillation (cercle vicieux d'auto-aggravation).

IV Classification et terminologie


A Classification en « P »
Elle s'organise ainsi :
•    paroxystique avec retour spontané ou après une action de cardioversion (par médicament ou par choc électrique) en rythme sinusal en moins de 7 jours ;
•    persistante en cas de retour spontané ou suite à une action de cardioversion (par médicament ou par choc électrique) au-delà de 7 jours. On appelle cardioversion ou réduction de la FA les actions médicales qui restaurent le rythme sinusal ;
•    persistante de longue durée en cas de FA continue sur une durée > 1 an alors qu'il est décidé d'une stratégie de contrôle du rythme (volonté de restaurer le rythme sinusal) ;
•    permanente en cas d'échec de cardioversion et/ou de décision d'une stratégie de contrôle de la fréquence (pas de volonté de restaurer le rythme sinusal) ;
•    premier épisode : la FA n'est pas encore classable.

B Formes particulières
•    La FA dite valvulaire correspond à une FA chez un patient avec prothèse valvulaire mécanique ou avec RM rhumatismal modéré à sévère.
•    La FA est dite isolée en l'absence de cardiopathie sous-jacente et sans aucune comorbidité (pas d'HTA, de diabète etc.).

 lettre b Ces deux précédentes terminologies sont considérées comme pouvant être source de confusion et devraient être abandonnées.

•    La FA est dite silencieuse quand elle est découverte fortuitement chez un patient asymptomatique.
•    La maladie de l'oreillette ou syndrome de tachy-bradycardie correspond à la coexistence de FA paroxystique et de dysfonction sinusale.
•    On oppose les FA récidivantes aux FA de cause aiguë (postopératoire, infarctus, infection pulmonaire, péricardite, etc.).

V Diagnostic


A Circonstances de découverte : très variables
lettre a La FA peut être :
•    découverte lors d'un examen clinique ou d'un ECG chez un patient asymptomatique ;
•    découverte au cours d'un bilan de palpitations permanentes ou intermittentes ou d'un essoufflement récent ;
•    révélée par une complication (AVC, poussée d'insuffisance cardiaque, etc.).

B Signes fonctionnels
•    Les signes peuvent être absents ou intermittents, le diagnostic ECG est indispensable car la corrélation est mauvaise entre la réalité de la FA et la prise du pouls ou la description de palpitations. Il est souvent nécessaire de recourir au Holter ou à d'autres méthodes de monitorage ECG pour faire le diagnostic en cas de FA paroxystique.
•    Les symptômes usuels sont les palpitations, la dyspnée d'effort, l'angor fonctionnel, l'asthénie inexpliquée, etc.
•    D'autres symptômes sont plus trompeurs comme les lipothymies, les chutes inexpliquées chez la personne âgée, l'incapacité à faire un effort, l'impression que le cœur « bat trop lentement », les accès de « faiblesse », les bouffées de chaleur ou les œdèmes des membres inférieurs.

C Examen clinique
•    L'auscultation cardiaque retrouve des bruits du cœur irréguliers et un rythme plus ou moins rapide.
•    La prise en charge initiale doit :
–    apprécier la tolérance : fréquence cardiaque, pression artérielle, diurèse, fréquence respiratoire, état de conscience ;
–    rechercher d'emblée une complication : OAP ou signes d'insuffisance cardiaque, embolie artérielle systémique (examen artériel et neurologique) ;
–    chercher des signes en faveur d'une cardiopathie sous-jacente ;
–    chercher des facteurs déclenchants ou favorisants (prise d'alcool, fièvre, hyperthyroïdie, etc.).

D ECG
Le diagnostic de FA ne peut être confirmé que sur un tracé ECG la documentant (ECG, Holter ou monitoring) :
•    absence d'onde P visible et QRS le plus souvent irréguliers (exceptionnellement réguliers en cas de BAV complet concomitant) ;
•    aspect usuel à petites mailles (trémulations de la ligne de base, cf. fig. 13.1) et QRS fins, les QRS peuvent être larges en cas de bloc de branche associé ;
•    cas particulier de la FA à grosses mailles (cf. fig. 13.2) à ne pas confondre avec le flutter atrial ;
•    QRS lents et réguliers indiquant une association entre la FA et un bloc atrioventriculaire complet ;
•    pauses ou dysfonction sinusale de régularisation (syndrome de tachy-bradycardie).

Fig. 13.1 lettre a Fibrillation atriale à petites mailles.

fibrillation atriale a petites mailles

Fig. 13.2 lettre a Fibrillation atriale à grosses mailles.

fibrillation atriale a grosses mailles

E Autres examens complémentaires (cf. aussi 3. Bilan étiologique)
Devant la découverte d'une FA, on demande :
•    un bilan biologique : ionogramme sanguin, créatinine, TSHus, numération globulaire,
•    une échocardiographie à la recherche d'une cardiopathie sous-jacente.
En cas de suspicion de FA non encore documentée (bilan d'AVC par exemple), on demande :
•    un Holter prolongé 72 heures ;
•    une interrogation du pacemaker ou du DAI (défibrillateur automatique implantable), si le patient en est porteur.

F Diagnostic étiologique

1 Facteurs déclenchants
Il peut s'agir :
•    d'hypokaliémie ;
•    de fièvre ;
•    de privation de sommeil ;
•    de réaction vagale ;
•    d'alcool, ivresse ou prise de substances illicites ;
•    d'électrocution.

2 Facteurs de prédisposition et/ou causes
Il est difficile de faire la part entre des facteurs de prédisposition et de réelles « causes ».
De tous les facteurs prédisposants, le plus puissant est incontestablement l'âge.
Parmi les facteurs de prédisposition modifiables, on note :
•    l'obésité ;
•    le syndrome d'apnées obstructives du sommeil ;
•    l'hyperthyroïdie ;
•    le diabète ;
•    le tabagisme et la consommation excessive d'alcool ;
•    les sports de grande endurance (marathon).
Parmi les causes, on recense par ordre de fréquence décroissante :
•    l'HTA (souvent avec hypertrophie ventriculaire gauche), en particulier chez le sujet âgé ;
•    l'insuffisance cardiaque ;
•    les valvulopathies surtout mitrales ;
•    les autres causes :
–    maladies respiratoires (SAS, pneumopathies infectieuses, embolie pulmonaire, cœur pulmonaire chronique),
–    cardiomyopathies dilatées, hypertrophiques ou restrictives,
–    syndromes coronariens aigus et séquelles d'infarctus,
–    hyperthyroïdie (cardiothyréose),
–    péricardites,
–    chirurgie cardiaque récente,
–    cardiopathies congénitales (communication interatriale),
–    phéochromocytome ;
–    insuffisance rénale sévère.
Les formes idiopathiques sont un diagnostic d'élimination : elles ont souvent un substratum génétique. En effet, un antécédent de FA chez un apparenté du 1er degré augmente de 40 % la probabilité d'atteinte.

3 Bilan étiologique
Il doit comporter interrogatoire et examen complet, ECG, radiographie de thorax, échocardiographie transthoracique, TSHus, ionogramme sanguin, fonction rénale, bilan hépatique, les autres examens sur signe d'appel.
Le diagnostic d'HTA est parfois difficile, il faut recourir facilement à l'automesure tensionnelle ou au monitoring ambulatoire (MAPA). De même, le SAS est souvent méconnu, l'asthénie chronique liée au SAS est imputée à tort à la FA ou aux médicaments. Le recours à la polygraphie doit être encouragé, surtout chez le sujet obèse.

VI Évaluation et prévention du risque thromboembolique


A En aigu, autour de la cardioversion
•    En cas de cardioversion, tout patient est considéré à risque (que la cardioversion soit médicamenteuse ou par choc électrique) pendant les 4 semaines suivantes au minimum.
•    Ce risque doit conduire à encadrer la cardioversion par une anticoagulation efficace par une héparine ou par un anticoagulant oral.
•    La cardioversion doit être précédée d'au moins 3 semaines d'anticoagulation efficace documentée, et suivie de 4 semaines d'anticoagulation efficace, ensuite le risque chronique doit être évalué pour décider ou non de la poursuite de l'anticoagulation orale.
•    L'anticoagulation précardioversion peut être évitée si une échocardiographie transœsophagienne (ETO) préalable montre l'absence de thrombus intra-OG ou si le début de la FA est parfaitement datable et < 24 ou 48 heures (ce qui est rarement possible).
•    Enfin, lorsque le risque est considéré comme très élevé (valve mécanique mitrale, RM) ou si l'anticoagulation précardioversion est incertaine ou mal documentée, il est aussi parfois décidé de vérifier au préalable l'absence de thrombus atrial gauche avant de procéder à la cardioversion par ETO.

B En chronique
•    La FA survenant chez un patient porteur d'un RM rhumatismal modéré à sévère ou d'une prothèse valvulaire mécanique est associée à un risque thromboembolique très élevé. Il faut savoir que le score CHA2DS2-VASc décrit ci-dessous ne s'applique pas dans ces situations cliniques. Il faut anticoaguler par antivitamines K, qui sont de toute façon indiquées en cas de prothèse mécanique.
•    Dans les autres cas, on doit utiliser le score d'évaluation du risque thromboembolique fondé sur les facteurs de risque principaux, à savoir le score CHA2DS2-VASc. Son résultat varie de 0 à 9 points au total. Les éléments du CHA2DS2-VASc sont :
–    « C » pour Congestion (insuffisance cardiaque clinique avec ou sans fraction d'éjection altérée) : 1 point ;
–    « H » pour Hypertension artérielle traitée ou non, équilibrée ou non : 1 point ;
–    « A2 » pour Âge ≥ 75 ans : 2 points ;
–    « D » pour Diabète traité ou non, équilibré ou non : 1 point ;
–    « S2 » pour Stroke (AVC) ou embolie artérielle : 2 points ;
–    « V » pour atteinte Vasculaire coronarienne ou AOMI ou athérome des troncs cérébraux : 1 point ;
–    « A » pour Âge 65–74 ans : 1 point ;
–    « Sc » pour Sex category : 1 point pour le genre féminin (par conséquent, le score est de 1 à la naissance chez la femme).
•    Le risque annuel thromboembolique varie de façon exponentielle de 1 à 18 % pour les scores de 0 à 9 (chaque palier du score augmente globalement le risque annuel de 2 %).
•    D'autres facteurs existent qui sont non pris en compte dans ce score, tels le SAS et l'insuffisance rénale sévère.
•    L'évaluation de ce risque détermine la prescription au long cours d'anticoagulants oraux (cf. tableau 13.1) :
–    si le score est nul chez l'homme ou = 1 chez la femme : on ne prescrit pas d'anticoagulant ;
–    si le score est > 1 chez l'homme ou > 2 chez la femme : les anticoagulants oraux sont indiqués de façon indiscutable ;
–    en cas de risque intermédiaire (score à 1 chez l'homme ou à 2 chez la femme) : les anticoagulants sont conseillés mais la discussion doit avoir lieu au cas par cas avec le patient en pesant le rapport bénéfice/risque. On peut s'aider dans ce cas d'autres scores pour évaluer le risque hémorragique lié à la prescription d'anticoagulant, comme le score HASBLED ou le score ABC qui sortent du cadre de cet ouvrage et ne sont pas détaillés ici. Néanmoins, on peut citer les principaux facteurs associés au risque de saignement : âge, antécédent hémorragique, HTA non contrôlée, insuffisance rénale ou hépatique, traitement par antiagrégant plaquettaire associé ou par AINS, INR fluctuants, alcoolisme, etc.

Tableau 13.1 lettre a Indications de traitement au long cours selon l'estimation du risque thromboembolique.

Genre CHA2DS2-VASc FA et prothèse(s) mécaniques(s) /RM modéré à sévère
Homme 0 : pas d'antithrombotique ≥ 1 : AOD (ou AVK) AVK
Femme 1 : pas d'antithrombotique ≥ 2 : AOD (ou AVK) AVK

AOD : anticoagulant oral direct ; AVK : antivitamine K ; FA : fibrillation atriale ; RM : rétrécissement mitral.

C Fermeture de l'auricule gauche
lettre b Très rarement utilisée, il s'agit d'une procédure consistant à fermer l'auricule à l'aide d'un dispositif inséré par voie percutanée par cathétérisme transseptal (à travers la cloison atriale). Le rationnel de cette technique est que les thrombi se forment préférentiellement au niveau de l'auricule. Cette procédure est indiquée chez des patients porteurs d'une FA sans prothèse valvulaire mécanique et sans RM modéré à sévère, ayant un haut risque thromboembolique (CHA2DS2-VASc ≥ 4) et une contre-indication formelle et permanente aux anticoagulants (validée par un comité pluridisciplinaire).

VII Traitement


A Correction des facteurs de risque
lettre a La prise en charge des facteurs associés à la FA (ou comorbidités) est obligatoire chez tous les patients et consiste à :
•    corriger l'obésité et le surpoids, encourager une perte de poids de 10 % et/ou viser un IMC < 27 kg/m2 chez le sujet obèse ;
•    limiter la consommation d'alcool, sevrer du tabagisme ;
•    traiter l'hypertension artérielle et viser une PA systolique < 130 mmHg ;
•    dépister et traiter le SAS.

B Traitement de l'accès de FA persistante
•     lettre b La prévention du risque thromboembolique est faite obligatoirement quel que soit le contexte si l'on envisage une cardioversion (cf. A. En aigu, autour de la cardioversion).
•    Si le patient ne reçoit pas déjà un anticoagulant oral efficace, on peut utiliser d'emblée les AOD (anticoagulants oraux directs), ou l'héparine non fractionnée (HNF) en IV pour un TCA à 2–3 fois le témoin en attente d'efficacité des AVK – antivitamines K (si le patient est hospitalisé). L'HNF par voie SC est rarement utilisée et attention, il n'y a pas d'AMM pour les HBPM (héparines de bas poids moléculaire) qui sont cependant souvent employées.
•    La cardioversion doit être immédiate par choc électrique en cas d'urgence vitale (état de choc). C'est une situation très rare qui s'observe si la FA est très rapide et ne répond pas au traitement freinateur par digoxine IV.
•    En général, la cardioversion est différée après 3 semaines d'anticoagulation orale efficace. Elle s'effectue par choc électrique sous anesthésie générale ou par des médicaments antiarythmiques (amiodarone, sotalol, flécaïnide) ou les deux actions combinées.
•    Il est possible d'éviter ce délai de 3 semaines sous réserve d'une ETO normale (pas de thrombus atrial gauche) ou si la FA est datée précisément à moins de 24–48 heures (rare).
•    En attente de cardioversion ou en cas d'échec de celle-ci, la fréquence cardiaque est contrôlée par des freinateurs nodaux (bêtabloquant, vérapamil ou diltiazem, digoxine).
•    En urgence, chez l'insuffisant cardiaque, la cadence ventriculaire est contrôlée par la digoxine IV (en cas de kaliémie normale).
•    Les anticoagulants oraux sont poursuivis 4 semaines minimum après cardioversion médicamenteuse ou électrique.
•    S'il s'agit d'un premier épisode, on n'entreprend pas de traitement antiarythmique chronique pour prévenir une éventuelle récidive.

C Traitement d'entretien
•    La prévention du risque thromboembolique est examinée obligatoirement, la prescription d'anticoagulants doit faire l'objet d'une évaluation du rapport bénéfice/risque (cf. B. En chronique).
•    Les anticoagulants oraux sont les AVK, les inhibiteurs de la thrombine : dabigatran, les inhibiteurs du facteur X activé : rivaroxaban, apixaban.
•    L'efficacité des AVK est surveillée par l'INR, leur mode d'action passe par les facteurs vitamine K-dépendants (II, VII, IX et X) et donc la vitamine K. L'efficacité des AOD (dabigatran, rivaroxaban, apixaban) est surveillée cliniquement. L'idarucizumab est l'antidote spécifique du dabigatran (cf. chapitre 22).
•    Les AVK courants sont la fluindione, la warfarine et l'acénocoumarol. À noter que l'HAS recommande de ne plus instaurer de traitement par fluindione en 1re intention en raison d'un risque d'atteinte rénale immunoallergique.
•    Dans le cas d'une FA survenant chez un patient porteur d'une prothèse valvulaire mécanique ou d'un RM modéré à sévère, seules les AVK sont recommandées avec un INR cible à 2,5 (entre 2 et 3) sauf en cas de valve mécanique mitrale ou de valve à disque ; dans ce cas, l'INR cible est de 3–4,5.
•    Dans les autres situations, les AVK ou les anticoagulants oraux directs sont recommandés en fonction du score CHA2DS2-VASc (
cf. tableau 13.1).
•    Il faut ensuite choisir entre deux stratégies éventuellement combinées (
cf. tableau 13.2) :
–    soit contrôle de fréquence par freinateurs nodaux (bêtabloquants, inhibiteurs calciques bradycardisants ou digitaliques) dont les objectifs sont une FC < 80 bpm au repos, et < 110 bpm pour un effort modeste de marche normale avec vérification de ces objectifs par Holter ;
–    soit contrôle du rythme (prévention des rechutes) par antiarythmique : amiodarone, sotalol, flécaïnide, propafénone, etc. Chez les coronariens, seuls l'amiodarone et le sotalol sont utilisables. Chez l'insuffisant cardiaque, seule l'amiodarone est utilisable.
•    Les contraintes du traitement sont très nombreuses chez les sujets âgés (utilisation difficile des AVK, des freinateurs nodaux et des antiarythmiques). De même, les AOD doivent souvent être employés à doses réduites après 80 ans et en cas d'insuffisance rénale. Mais, à l'inverse, les patients les plus âgés sont aussi ceux les plus exposés au risque thromboembolique de la FA. La prise de décision du traitement anticoagulant oral est donc souvent difficile.
•    Il faut connaître les précautions d'emploi, effets indésirables et contre-indications des différents freinateurs nodaux et des différents antiarythmiques, notamment chez l'insuffisant cardiaque à fraction d'éjection diminuée, chez qui par exemple les inhibiteurs calciques bradycardisants, de même que le flécaïnide, sont interdits.
•    Les indications de stimulation cardiaque définitive de la maladie de l'oreillette sont cliniques et dépendent de la mise en évidence de pauses sinusales symptomatiques (en règle > 3 secondes) ou de bradycardie sinusale symptomatique et non iatrogène (en pratique < 50 bpm).
•    Certaines formes de FA peuvent relever, après avis spécialisé, d'un traitement percutané par cathétérisme transseptal (appelé ablation, correspondant à une cautérisation des veines pulmonaires) : ce traitement fait aussi partie de la stratégie de contrôle du rythme et s'est avéré supérieur aux traitements médicamenteux pour maintenir le rythme sinusal sur le long terme.

Tableau 13.2 lettre b Prise en charge selon le type de fibrillation atriale (FA) d'après la classification en P.

Objectif Premier épisode FA paroxystique FA persistante FA permanente
Anticoagulation Initialement puis selon évolution et terrain Selon terrain Avant et après cardioversion, puis selon terrain Selon terrain
Cardioversion Selon évolution Non, par définition Oui, si pas de régularisation spontanée Non, par définition
Contrôle de la fréquence Initialement puis selon évolution Oui, le plus souvent En attendant la cardioversion Obligatoirement
Contrôle du rythme Non, le plus souvent Oui, le plus souvent Oui, après cardioversion Non, par définition

 

D Éducation du patient
Elle est réalisée :
•    vis-à-vis des anticoagulants oraux : précautions alimentaires (AVK), fréquence du suivi de l'INR et valeur des cibles d'INR (AVK), interactions médicamenteuses (AVK et AOD), prévention et signes d'alarme des hémorragies (AVK et AOD), suivi de la fonction rénale au moins 1 fois/an (AOD), carnet, contraception en raison des effets tératogènes ;
•    vis-à-vis de la cause : HTA le plus souvent (avec surpoids et/ou syndrome métabolique) ;
•    par une information sur la bénignité du pronostic (pas de risque de mort subite) mais sur le risque cérébral (embolique) ;
•    par une information sur les effets indésirables de l'amiodarone (thyroïde, photosensibilisation, dépôts cornéens, etc.).

VIII Différents tableaux cliniques


A FA avec cœur normal
Le plus souvent, il s'agit d'un quinquagénaire qui se plaint de palpitations pouvant s'associer à un angor fonctionnel ou une dyspnée d'effort. La documentation de la FA peut parfois errer en dépit du recours à la méthode de Holter. L'échographie cardiaque est normale, il faut exclure une HTA ou un SAS. Le risque embolique est très faible, ne justifiant pas les anticoagulants au long cours si le score CHA2DS2-VASc est nul. Le traitement antiarythmique vise à maintenir le rythme sinusal, on utilise le flécaïnide en 1re intention, mais l'ablation peut aussi être rapidement envisagée après information éclairée. Il s'agit le plus souvent d'une FA paroxystique qui évolue en quelques mois ou années vers une FA persistante, elle peut cependant être persistante d'emblée.

B FA avec insuffisance cardiaque soit révélée, soit aggravée par la FA
Le plus souvent, il s'agit d'un patient avec cardiopathie ischémique ou cardiomyopathie dilatée à coronaires saines. Il peut aussi s'agir d'une cardiopathie hypertensive ou valvulaire. La présentation clinique est un OAP ou une décompensation cardiaque et il est difficile de décider si la FA est la cause ou la conséquence de cette décompensation. La FA est souvent persistante. La cardioversion est généralement différée le temps d'une anticoagulation efficace. Le recours au contrôle de la fréquence est souvent nécessaire dans l'attente de la cardioversion. Ultérieurement, le maintien du rythme sinusal est assuré par l'amiodarone, une intervention d'ablation pouvant également être discutée. En cas d'échec, la FA est respectée avec contrôle de fréquence par les bêtabloquants. Le risque embolique est élevé, justifiant les anticoagulants oraux avant la cardioversion en relais de l'HNF, puis au long cours dans tous les cas.

C FA valvulaire post-rhumatismale (RM post-rhumatismal ou prothèse mécanique)
Dans le cas typique, il s'agit d'une FA sur prothèse mécanique valvulaire (mitrale le plus souvent). Il faut s'assurer de l'absence de thrombose de valve. Souvent, cette forme clinique nécessite une stratégie thérapeutique de contrôle de fréquence, le maintien en rythme sinusal étant difficile en raison de la dilatation atriale. Le risque embolique est élevé, justifiant les AVK au long cours dans tous les cas.

D Embolie artérielle systémique (cérébrale le plus souvent) parfois révélatrice de la FA
Dans le cas typique, il s'agit d'une FA méconnue chez une femme âgée, avec d'autres facteurs de risque embolique de type HTA mal équilibrée ou diabète. L'embolie est brutale, souvent sylvienne superficielle gauche avec infarctus cérébral révélateur de la FA. L'imagerie cérébrale doit être effectuée.
•    En aigu, les AVK et les héparines ne sont pas utilisables en raison du risque de transformation hémorragique mais l'indication d'anticoagulation au long cours est impérative à la sortie de l'hôpital.
•    En aigu, les patients sont pris en charge en unité d'urgence neurovasculaire avec discussion thérapeutique de thrombolyse ou de thromboaspiration.

E Maladie de l'oreillette
Il s'agit de l'association, qu'il faut documenter, de passage en FA paroxystique rapide alternant avec des épisodes de bradycardie sinusale, qui peut être asymptomatique ou s'accompagner de lipothymies ou de syncopes chez un sujet âgé. L'emploi des médicaments bradycardisants pour contrôler la fréquence ventriculaire est périlleux avec risque d'aggravation de la dysfonction sinusale, d'où le fréquent recours à la mise en place d'un stimulateur cardiaque définitif.

Points-clés


•    La FA est une tachycardie irrégulière à QRS fins (le plus souvent), de diagnostic ECG obligatoire.
•    C'est le trouble du rythme le plus fréquent, lié à l'âge.
•    Les 2 risques principaux liés à la FA sont l'insuffisance cardiaque à cause de la rapidité et l'irrégularité de la cadence ventriculaire, et le risque thromboembolique artériel systémique par formation d'un caillot atrial gauche qui migre dans la grande circulation (et non pas dans la petite circulation).
•    Les symptômes, parfois absents, regroupent palpitations, dyspnée ou d'emblée complication de type infarctus cérébral ou OAP, rarement syncope par pause de régularisation.
•    L'ECG montre des QRS rapides (durée le plus souvent < 120 ms) et irréguliers, une activité atriale anarchique avec trémulations de la ligne de base ou en larges mailles irrégulières (attention aux confusions avec les flutters pour les formes à grandes mailles).
•    Les formes cliniques principales sont la FA souvent paroxystique du sujet d'âge mûr sans cardiopathie sous-jacente ni comorbidité, la FA compliquée d'un OAP ou d'une insuffisance cardiaque préexistante sur cardiopathie sévère, la FA révélée par un AVC souvent chez la femme âgée hypertendue, l'association FA et dysfonction sinusale surtout chez le sujet âgé, réalisant le syndrome bradycardie-tachycardie ou maladie de l'oreillette.
•    Les étiologies principales sont :
l'HTA, les valvulopathies (mitrales davantage qu'aortiques), les SCA et séquelles d'infarctus, tous les types de cardiomyopathie, les péricardites, l'hyperthyroïdie, les cardiopathies congénitales ;
les pneumopathies aiguës ou chroniques, l'apnée du sommeil (souvent sous-estimée), l'embolie pulmonaire ;
l'hypokaliémie, l'alcoolisme, une réaction vagale, la fièvre ;
par élimination : les formes idiopathiques.
•    L'enquête étiologique nécessite la réalisation systématique d'une radiographie de thorax, d'une échocardiographie et d'un dosage de TSH us.
•    La classification en P distingue les 4 formes suivantes :
–    paroxystique avec retour spontané ou par cardioversion en rythme sinusal en < 7 jours ;
–    persistante en cas de retour spontané ou suite à une action de cardioversion (médicament ou choc électrique) > 7 jours (persistante de longue durée en cas de FA continue sur une durée > 1 an alors qu'il est décidé d'une stratégie de contrôle du rythme [volonté de restaurer le rythme sinusal]) ;
permanente en cas d'échec de cardioversion ou de cardioversion non tentée (pas de volonté de restaurer le rythme sinusal) ;
premier épisode : FA non encore classable.
•    Le risque thromboembolique est :
très élevé sur valvulopathie rhumatismale (RM) ou prothèse valvulaire ;
très faible en cas de FA sans cardiopathie ni comorbidité ;
variable selon le terrain (facteurs principaux : âge, HTA, diabète, cardiopathie sous-jacente, antécédents emboliques).
•    Ce risque, évalué grâce au score CHA2DS2-VASc (non applicable en cas de FA avec prothèse valvulaire mécanique et/ou RM modéré à sévère), conditionne la prescription ou non d'anticoagulants oraux au long cours. Dans la FA avec prothèse valvulaire mécanique et/ou RM modéré à sévère, seules les AVK sont recommandées en chronique.
•    La FA persistante est réduite après 3 à 4 semaines d'anticoagulation efficace (ou à défaut après ETO pour éliminer un caillot intra-atrial). On utilise le choc électrique externe sous anesthésie générale et/ou les antiarythmiques, puis les antiarythmiques pour maintenir ensuite le rythme sinusal. Puis l'anticoagulation est poursuivie encore au moins 4 semaines, la prolongation ultérieure de ce traitement étant guidée par le score de CHA2DS2-VASc. C'est la stratégie dite de contrôle de rythme. Auparavant, on ralentit la cadence ventriculaire par un bradycardisant. En cas d'emploi de l'ETO chez un patient n'ayant pas été traité par anticoagulants oraux, la cardioversion s'effectue sous HNF et les anticoagulants oraux sont débutés le jour même et pour au moins 4 semaines.
•    Pour la FA permanente, on ralentit la cadence ventriculaire par des bradycardisants si nécessaire (bêtabloquants et/ou digitaliques ou vérapamil ou diltiazem). C'est la stratégie dite de contrôle de fréquence qui vise une valeur < 80 bpm au repos et < 110 bpm à la marche normale pendant 5 minutes. Ce résultat est contrôlé par un enregistrement Holter. Chez l'insuffisant cardiaque, vérapamil et diltiazem sont interdits.
•    Pour la FA paroxystique, on peut opter pour l'une ou l'autre stratégie ou les deux. Souvent, c'est une association d'un antiarythmique et d'un bradycardisant de type bêtabloquant. Chez l'insuffisant cardiaque, seule l'amiodarone est autorisée comme antiarythmique.
•    En cas de premier épisode, on utilise l'HNF ou les AOD en attente de réduction spontanée, l'emploi des HBPM n'est pas approuvé. Si ce n'est pas le cas, une cardioversion est planifiée de la même façon. Habituellement, les antiarythmiques ne sont pas poursuivis après réduction d'un premier épisode.
•    En cas de prescription d'AVK, l'INR cible est 2,5 (2 à 3) sauf en présence d'une valve mécanique mitrale (cible 3 à 4,5). L'éducation du patient est primordiale concernant les risques hémorragiques et leur prévention. L'INR est mesuré au minimum 1 fois/mois une fois l'équilibre atteint. Les résultats sont notés sur un carnet.

Notions indispensables et inacceptables


Notions indispensables
•    Ne pas oublier l'ECG.
•    Penser aux maladies valvulaires dans l'enquête étiologique.
•    Évaluer le risque thromboembolique.
•    Toujours peser le rapport bénéfice/risque de l'anticoagulation chronique et donc évaluer le risque hémorragique.

Notions inacceptables
•    Utiliser le score CHA2DS2-VASc en cas de FA avec prothèse valvulaire mécanique ou RM modéré à sévère (risque d'emblée maximal), ou avant cardioversion (anticoagulation obligatoire dans ce contexte).
•    Confondre contrôle de fréquence et contrôle du rythme.

Réflexes transversalité


•    Item 233 – Valvulopathies.
•    Item 234 – Insuffisance cardiaque de l'adulte.
•    Item 235 – Péricardite aiguë.
•    Item 237 – Palpitations.
•    Item 242 – Hyperthyroïdie.
•    Item 253 – Obésité de l'enfant et de l'adulte.
•    Item 324 – Éducation thérapeutique, observance et automédication.
•    Item 330 – Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l'adulte et chez l'enfant, hors anti-infectieux. Connaître les grands principes thérapeutiques.
•    Item 340 – Accidents vasculaires cérébraux.